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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/188

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LVI

Le dilemme du déterminisme quant à l’être. — Les dilemmes de l’Inconditionné, de la Substance et de l’Infini n’appelaient pas directement ou en eux-mêmes l’examen des motifs moraux qui influent, soit qu’il s’en rende compte ou non, sur la décision du philosophe. Il n’en est pas de même du dilemme du déterminisme, qui se dédouble et prend deux aspects séparés suivant qu’on examine le conflit des doctrines par rapport à l’ordre mental ou à l’ordre de l’univers. Pour le premier cas, nous avons eu à étudier la question critique de l’accord ou du désaccord possible entre notre décision, quelle qu’elle dût être et la vérité extérieure des choses, étant donné que cette décision est elle-même dans la dépendance du fait sur lequel elle a à se prononcer. Pour

    ce monde parfait composé d’une masse de biens et de maux, de salut et de perdition, le tout également prédestiné. Le dogmatique reste enfermé dans son dogmatisme et ce serait une chimère ridicule de prétendre lui montrer que son dogmatisme est précisément ce qui le voue au scepticisme ! Mais le logicien qui ne connaît aucune démonstration valable pour établir la thèse de la nécessité, non plus que la thèse du libre arbitre, sa contradictoire, et qui n’admet pas que les motifs moraux soient des démonstrations, trouve dans le désintéressement scientifique le droit de constater que les deux opinions pour et contre la thèse du déterminisme universel sont dans une pareille dépendance du déterminisme, générateur commune de tous les jugements, dans l’hypothèse de la nécessité ; que les jugements rivaux des philosophes sont inconciliables ; qu’ils tirent cependant une égale autorité, s’ils en ont une, de l’enchaînement invariable des phénomènes duquel ils procèdent également, que, par conséquent, tout choix motivé entre l’affirmation et la négation est interdit, au point de vue déterministe, au philosophe qui ne se tient pas dogmatiquement pour instruit avec certitude de la vérité que d’autres ne posséderaient point. Mais il existe un moyen de rendre le choix possible, c’est de le motiver par la croyance après un examen moral comparatif de la situation faite au penseur par chacune des hypothèses ; nécessité ou liberté. C’est celui-là que Lequier a pris et dont nous venons d’expliquer l’essentielle prémisse. Il aurait fallu la comprendre pour la discuter utilement.