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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/206

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nuellement opposés, et toutefois unis, formant l’harmonie universelle. De là un écoulement incessant de toutes choses, et un seul monde, voué à des évolutions successives, dont chacun a son commencement et sa fin dans l’unité (XXIII). La substance évolutive n’en est pas moins, chez Héraclite et chez les stoïciens, qui empruntèrent sa cosmogonie, ce système de la Chose dont Hésiode et d’autres mythographes après lui cherchaient à leur façon la définition et le développement, qui devait se poursuivre jusqu’à la production des êtres individuels et personnels. Les philosophes y joignaient l’idée d’une providence divine immanente.

À la conception réaliste de la matière vivante s’opposa celle de la matière brute, ou mécanique, autre sorte de substance, constituée par la réalisation des seules qualités sensibles qui se rapportent à la figure, à la solidité et au mouvement. De ce nouveau point de vue vint une perturbation dans la manière de concevoir la réalité. Par une bizarrerie apparente, l’idéalisme entra dans la philosophie à la faveur d’un système dont le sort devait pourtant rester presque toujours lié à la méthode empiriste. Nulle conception ne devait d’abord paraître plus apriorique que celle de Démocrite (XXV). Il plaçait la réalité dans ce qui n’est point sensible, dans le produit idéal d’une abstraction par laquelle l’esprit institue des éléments matériels indivisibles, invisibles, impalpables, les charge de donner lieu par leurs assemblages et leurs mouvements au toucher, à la vue, à toutes les sensations, bien plus au pouvoir d’en éprouver et d’en prendre conscience en de certains sujets où ils entrent en composition. C’était la séparation du réel et de l’apparent, aussi complète, à un autre point de vue, que la demandaient ceux des philosophes contemporains de