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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/207

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Démocrite qui niaient la multiplicité et le mouvement ! C’était se créer l’obligation d’expliquer le sentiment et la, pensée par l’effet d’un jeu d’atomes qui n’y ont nul rapport ; et c’était donc être conduit à se poser cette question : la réalité n’appartiendrait-elle pas aux apparences sensibles elles-mêmes ? Qu’est-il besoin de ce support des atomes, qui n’explique rien ?

L’obscure théorie des idola de Démocrite, d’où ce qui ressort le mieux est l’identification du sensible avec le sentiment, si difficile à comprendre en elle-même, fait voir combien le génie de ce philosophe était préoccupé de la difficulté de résoudre le problème de ce qui s’appela, longtemps après, la « communication des substances ». Des sentences qu’on rapporte de lui, sur la profondeur où gît la vérité, témoignent des doutes que devait lui inspirer la comparaison de la fixité du sujet externe (en sa théorie), et des lois de la mécanique, avec les incertitudes et les contradictions du jugement, chez le sujet de la perception, selon que ses propres conditions varient. On peut rattacher à Démocrite plusieurs des philosophes qui reçurent le nom de sophistes, ceux d’entre eux que la distinction entre le phénomène sensible et la réalité mit sur la voie d’une sorte de scepticisme phénoméniste. Il leur suffisait de supprimer dans la doctrine atomistique les atomes, ce que l’empirisme trouve aisé, puisqu’ils sont imperceptibles ; restait le phénomène, tel qu’il apparaît à chacun, et l’homme mesure de toutes choses, comme disait Protagoras : de celles qui sont pour savoir comment elles sont ; de celles qui ne sont pas, pour savoir comment elles ne sont pas. L’idéalisme naissait ainsi du matérialisme, mais par la voie d’une analyse psychologique, — ce qui fait une grande différence d’avec l’idéalisme indien, —