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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/221

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matériel en tant que tel, devait, selon lui, se réduire au percipi. Mais, si la première de ces formules était démontrable, il n’en était pas de même de la seconde, et Berkeley confondit la possibilité logique de la négation des corps avec la preuve de leur non-existence.

Il ne serait point contradictoire que, malgré le puissant instinct qui nous porte à croire à l’existence d’objets hors de nous, lesquels continueraient d’être, alors que notre conscience serait anéantie, tout ce que nous percevons ne fût réellement rien de plus que le mode objectif de nos perceptions, en corrélation avec leur mode subjectif, en sorte que les deux modes réunis ne seraient que des affections corrélatives de notre conscience. Ce point de vue paradoxal est utile pour nous persuader d’une vérité étroitement liée au principe de relativité : à savoir, que la conscience est la condition de la représentation de toutes choses, et ne peut s’assurer d’aucune indépendamment de ses propres modifications. Si cette réduction du monde au moi individuel était posée dogmatiquement comme le vrai, ce serait ce qu’on a nommé le sémetipsisme, système répugnant, quoique exempt de contradiction. À la possibilité logique de cette conception une autre possibilité s’oppose : celle de l’existence hors de nous, tout d’abord d’esprits semblables aux nôtres, — ceci, Berkeley l’admettait d’après certaines inductions, — ensuite de ces consciences inférieures, dont le règne de la vie nous montre les espèces et les degrés multipliés au delà de toute imagination. On peut supposer, en effet, sous les apparences sensibles de ce que nous appelons matière, la donnée réelle d’une multitude immense d’êtres dont la constitution interne, où nos perceptions n’atteignent pas, serait analogue à celle des précédents,