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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/223

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keley, lui, donne aux purs objets sensibles, à ceux dont il entend que la qualité d’êtres perceptibles constitue exclusivement la nature, le nom d’idées ; il leur réserve même ce nom afin de bannir de sa théorie les idées générales. Ce ne sont donc que des sortes de signes, toujours particuliers, dont Dieu, leur auteur, fait usage pour le service de nos besoins naturels et de nos communications. Ils sont seuls, proprement et réellement, en ces variétés de sensations qui les constituent, les objets créés pour être présentés à, nos esprits et pour les affecter du dehors. Ils sont des idées réalisées, par conséquent, à aussi bon titre que celles des théories de Platon et de Malebranche. Il n’y a que la définition de la nature de l’idée qui diffère, toute sensible selon le philosophe empiriste, intelligible, au dire des aprioristes, ce qui, sans doute, importe beaucoup, mais non pas pour la question du réalisme. Or, c’est ce réalisme qui, en enlevant à l’être individuel, pour la porter en Dieu, la propriété des formes d’impression par lesquelles il est lié aux autres êtres, et en lui accordant la propriété de les provoquer chez autrui, mais grâce à l’intermédiaire de Dieu seulement, ôte le fondement de la définition de la personne comme capable de perception et d’action par elle-même, et ne lui accorde qu’une volonté inefficace par soi.

La disposition des penseurs à regarder ainsi nos modifications mentales, soit sensibles, soit intelligibles, comme des effets directs d’une émission de l’essence divine était déjà trop affaiblie au temps de Berkeley, pour qu’on donnât une attention sérieuse à autre chose, en sa théorie, qu’à la partie critique et négative. Dès lors on devait y voir la franche négation du monde extérieur, et, comme cette négation s’interprète assez natu-