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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/226

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monde. L’idéalisme devint, chez ces philosophes, un réalisme pour lequel des abstractions étaient les choses premières, comme dans certaines grandes écoles, à l’origine de la philosophie.

Schopenhauer, à la recherche de l’absolu de la connaissance, comme ses devanciers en Allemagne, plaça la substance et la source des êtres phénoménaux dans la Volonté, et même dans la Liberté, ce qui semblait promettre une place à la conscience, en principe, et à la personnalité, dans sa doctrine. Mais la Volonté dans l’Absolu, sans précédents de conscience, n’a rien de ce qu’on entend par le vouloir ; c’est donc encore une fiction réaliste, en cela comparable à celle de Fichte. Le système de Schopenhauer est un parfait monisme, et un parfait déterminisme, si l’on ne regarde qu’à sa métaphysique, en négligeant sa partie de sentiment et ses échappées de vue mystiques. Ce réalisme de la Volonté est d’ailleurs tout pareil à celui de la Raison et de la Liberté, que Kant a obscurément supposées hors du temps et de l’espace, dans un Noumène chargé d’exercer pour nous notre réel libre arbitre, tandis que la liberté ne serait qu’une illusion, en tant que nous l’imaginons applicable au monde des phénomènes, tous et toujours rigoureusement prédéterminés. Kant, avant Schopenhauer, a bien positivement renversé le principe de la personnalité morale, l’autonomie de la volonté, en ce qui touche d’ordre empirique des phénomènes (auquel il a pourtant tenu à conserver le titre de réel), lorsqu’il en a exclu la possibilité pour l’homme d’y remplir cette fonction du devoir que, plus que personne, il regardait comme le caractère essentiel de la dignité humaine.

L’idéalisme devait, quoique d’une autre manière, aboutir au réalisme des idées, dans l’école empiriste.