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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/243

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dualisme. Et la doctrine du péché originel n’a point trouvé, chez les théologiens pour qui Dieu est le créateur de la matière, un seul interprète de la légende du Paradis et de la création du premier couple humain qui ait abordé franchement la question du premier établissement terrestre, des premières conditions physiques et des premiers commandements réels que l’auteur des choses a dû instituer et prescrire pour rendre possible aux créatures premières un ordre parfait de justice et de bonheur. La vraie nature du péché originel est restée mystérieuse. L’Église s’est arrêtée à une conception de la destinée humaine, soit primitive, soit déchue, et à des vues supposées de la Providence touchant le péché et le pécheur, plus répugnantes que n’ont pu en adopter les systèmes dualistes les plus décriés.

L’évolutionnisme moderne, dont l’optimisme systématique doit s’accommoder de l’anéantissement de toute individualité dans le cours progressif du monde, est une interprétation favorable de l’ordre de la nature, comparativement au prédéterminisme des fins humaines, tel que les plus illustres docteurs de l’Église n’ont pas craint de l’imputer à la volonté de l’Éternel. Il n’est pas douteux que le réalisme spiritualiste avec les doctrines de l’absolu et de l’infini, n’ait été l’obstacle à une juste conception de la nature primitive et de sa dissolution (chute de l’homme) et à la possibilité d’une théodicée rationnelle. Et c’est encore le réalisme, matérialiste, cette fois, c’est la fiction de l’entité universelle, Force-Matière, génératrice de tous les phénomènes physiques d’où sortent la vie et les consciences, pour à la fin s’y résorber, qui est l’unique fondement de la plus systématique des compositions élaborées de notre temps pour nous représenter l’évolution de la nature.