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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/31

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cendre et régir le monde par des principes demandés à la méthode réaliste.

Dans tous les cas un vice logique est inhérent au rapport de l’Inconditionné au Conditionné ; c’est qu’il faut que le premier soit qualifié de quelque manière, ou supposé capable de quelque action, pour que quelque chose de lui soit représenté dans le second, dans la nature, ce qui semble devoir lui constituer à lui-même des relations, des conditions. C’est ainsi que des termes qu’on suppose à la fois généraux et réels, donnant la réalité aux rapports entre les phénomènes, doivent être présents dans les sujets particuliers, tout en étant donnés en eux-mêmes à titre universel (espèces, formes, essences) : alliance inconcevable, objection constante du nominalisme au réalisme depuis Aristote jusqu’au dernier âge de la scolastique.

Le cas le plus étonnant de cette métaphysique appartient aux plus anciennes sources de la philosophie hellénique, à Pythagore selon toute apparence, et non pas seulement à l’école pythagoricienne. L’esprit réaliste, sous l’influence des premières découvertes relatives aux rapports mathématiques des phénomènes, formule l’identité du concret et de l’abstrait, en réalisant le nombre. Les nombres sont pris pour les essences des choses, pour les choses mêmes qu’ils déterminent. Les nombres réunis forment le Multiple, qui doit son existence à l’Un, principe de la limite. La série des conditionnés remonte ainsi à l’Inconditionné sous l’aspect mathématique. Une opposition et une alliance s’établissent à la fois entre le Multiple sans terme, qui est l’Infini, et le Fini, qui est le Nombre. Le Fini et l’Infini, ces deux concepts souverains pour l’application du nombre à la géométrie, et, par suite, à la nature,