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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/75

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combinaisons des substances ; et de même qu’on avait admis l’infinité des qualités on admit l’infinité des substances. Ce fut l’atomisme.

Quoique produit plus d’un siècle après la doctrine des nombres de Pythagore, l’atomisme en est une application générale. L’inventeur dut se demander comment on pourrait donner du corps à de simples concepts tels que les nombres, pour en tirer quelque chose de plus que des rapports de l’ordre abstrait, ou des analogies. Il imagina de conférer la réalité en soi à des monades étendues et pleines, mais de grandeur imperceptible, douées de figure, et capables 1o d’impulsions mutuelles dans un espace vide, 2o de groupements variables. Ces sujets réels, objets de jugement pour nous, non de sensation, à les considérer isolément, sont les essences indivisibles (ἄτομοι οὐσίαι), ou les idées (ἰδέαι), dans le langage de Démocrite. Ce terme, idée, désigne un sujet vrai donné pour soi, non point une idée sensible, et c’est l’entendement qui en démontre l’existence. Au contraire les qualités sensibles sont vraies en tant que jugements variables produits par les changements qui ont lieu dans le sujet sentant, et non pas autrement ; leurs variations selon les dispositions où ce dernier se trouve en sont la preuve. Mais ces changements, ces sensations, c’est de l’action des atomes qu’ils viennent. L’action est essentiellement mécanique. La qualité provient de la quantité par la vertu des combinaisons. Les atomes, en nombre infini, en une infinité de figures, forment par leurs assemblages tous les corps, et des mondes innombrables qui naissent et périssent en leurs temps. La théorie d’Anaximandre reparaît ainsi sous la forme du mécanisme.

La nature de l’atome et la puissance du mouvement