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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/189

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

vée mal ! » répétai-je. « Oui. après dîner. — Ô ma chère amie ! — Vous la croyez perdue ! — Oui, oui, madame ! Je la crois vendue à cet homme, et vendue malgré elle… Mon amie avait pour moi de la confiance et de l’estime ; je n’ai rien fait pour perdre l’une et l’autre, et elle ne m’a rien dit !… » La mère de Sara, au lieu de s’emporter, sourit avec une sorte de finesse : « Vous vous trompez ! elle savait tout, et mon étonnement est extrême qu’elle ne vous en ait rien dit ! » Je ne sus que répliquer à cette réponse. Je me calmai ; car je commençais d’entrevoir que mon sort dépendait absolument de cette femme, qui, si elle parlait vrai en ce moment, faisait de sa fille tout ce qu’elle jugeait à propos. Je la quittai pour aller me mettre au lit ; il était une heure du matin. Quelle nuit, bon Dieu !… À mon lever nous eûmes une autre conversation, où elle se montra également douce. Elle repartit sur les dix heures en me disant que, quoiqu’elle eût affaire, elle voulait prévenir le retour de M. de Lamontette, qui ne devait être à sa maison de campagne qu’à deux heures. Je l’avoue, si cette femme se fut emportée, j’étais perdu, car je l’aurais étouffée, et les lois ne se fussent pas embarrassées de mes motifs. Je lui ai l’obligation de m’avoir fait éviter l’échafaud… Arrivée auprès de sa fille, elle y trouva de Lamontette, qui y avait passé la nuit ; la mère et la fille, à ce que je n’ai su que longtemps après, ayant décidé entre elles que, pour captiver cet homme, elles s’y prendraient d’une manière absolument différente de celle employée avec M. Dumont, l’ami auquel j’avais pensé à céder Sara par générosité. En conséquence, elles avaient commencé par les faveurs. Elles n’avaient pas eu besoin d’un grand effort pour cela ! Il ne leur avait fallu que se rappeler leur ancien métier.

Lecteur ! n’êtes-vous pas surpris de m’entendre tenir cet horrible langage ?… Oui, car mes cheveux se hérissent en le tenant. J’écris ceci le 9 octobre, à onze heures du soir. Retenez cette date ! nous n’en sommes qu’au 1er juin de cette même année. Il est temps enfin de démasquer cette perfide Sara, cette fille dangereuse et fausse que vous avez crue tendre ! O lecteur ! j’étais