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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/248

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LA DERNIÈRE AVENTURE

pas encore été au point de dire du mal de vous ; je n’ai dit que du bien, et ne parlerai jamais autrement. Si le mépris s’empare de votre cœur (comme vous l’avez dit), et y tient la place de l’estime que vous m’avez tant de fois jurée, ce n’est pas que je sois changée, c’est que j’ai ouvert les yeux sur un autre mérite, et que j’ai rendu justice à un autre, comme je vous l’avais rendue. Je pense du bien de vous, et j’en dirai toujours, j’ai l’honneur d’être,

« Monsieur,
« Sara Debée. »

Cette lettre fut cause que j’allai chez l’infidèle, qui croyait sans doute s’être justifiée. Nous eûmes une explication violente, qui ne fit que me confirmer dans la certitude qu’il n’y avait plus rien pour moi dans son cœur. Mais telle fut ma faiblesse, que j’offris une sorte de réconciliation, qui fut acceptée comme par grâce. Sara prit sur elle de me tromper encore.

Florimond était absent : quelques jours avant la connaissance de mon rival, il avait eu affaire dans sa patrie, et il y terminait ses affaires. Ainsi les deux femmes avaient toujours été seules chez Lamontette. Florimond, cet ancien ami de la mère, qu’elle avait ruiné, qu’elle avait ensuite, comme une autre Circé, avili, dégradé à la condition de domestique, Florimond revint enfin. Je le revis avec plaisir, quoique Sara, qui lui rend justice dans son Histoire, m’en eût toujours parlé mal de bouche. Je le sondai. Il ne me parut point disposé en faveur de Lamontette (bientôt il sera la cause d’une réconciliation). Il blâma sans ménagement la conduite de Mme Debée, qui avait elle-même mené sa fille chez un garçon, qui l’y avait laissée seule, etc. ; il lui fit envisager les conséquences que pouvait avoir cette conduite. Il effraya cette femme ; pour la fille, elle était ineffrayable. Le lendemain de son arrivée, nous allâmes tous quatre à Saint-Denis, où Florimond avait laissé ses malles. Je fis volontiers cette partie pour être en voiture à côté de Sara, qui prenait toujours le devant. Elle fut très enjouée avant le départ, et je fus si content d’elle, que je lui fis présent d’un bijou en brillants, qui augmenta sa gaîté. Nous étions près de partir quand il