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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/266

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LA DERNIÈRE AVENTURE

été un quart d’heure, que j’entendis descendre des femmes. Je m’éloignai aussitôt, et je vis sortir Sara, Florimond, Mme Debée et Lamontette ! La partie carrée s’arrangea dès qu’on fut descendu ; Florimond marchait devant ou derrière la Circé qui l’avait avili, car elle en faisait pis que son valet ; Sara suivait, mollement appuyée sur le bras de Lamontette. Je pouvais à peine en croire mes yeux, malgré les pressentiments que j’avais eus !… Je me détournai dans un potager fort bas, et je les laissai passer. Je marchai sur leurs pas, non sans éprouver les mouvements rapides du mépris, de l’indignation et de la plus violente fureur. Dix fois je fus sur le point d’aller séparer Sara de Lamontette, en disant à ce dernier : « C’est à moi que ce bras appartient, puisque je paie. » Je me contins heureusement !

Je vis Sara le soir, mais je dissimulai ; mais j’avais un air concentré qui l’alarma. Cependant elle ne m’en dit rien. J’ai fait depuis une remarque ; Sara était insolente avec moi, dès qu’elle avait quelqu’un pour me remplacer. Ce soir-là, elle ne le fut pas ; mon rival ne s’était donc pas montré fort empressé ?… Mais je ne fis point alors cette réflexion.

Le lendemain, je me trouvai presque calme, tant la vue de l’enchanteresse avait de pouvoir sur moi ! Cependant j’allai voir sa mère et je lui parlai de mon rival. Elle m’assura qu’on ne le voyait plus. « Femme fausse, pensai-je, tu ignores que je sais ta démarche d’hier ; reste dans le doute. » Je lui dis que je l’espérais, et j’ajoutai qu’il n’y avait pas de milieu ou lui, ou moi, que si on le voyait une seule fois (c’est-à-dire Sara), je me retirais sur-le-champ. On ne me répondit rien. Mais le soir, j’avouai à Sara que je l’avais vue. Sa surprise eut l’air de la confusion. J’ajoutai que j’avais déclaré à sa mère, que je me retirerais absolument si on revoyait Lamontette. Sara garda le silence. Mais elle fut profondément affectée de cette opposition de ma part, qui ne pouvait cadrer avec ses vues, de mener deux intrigues à la fois et de tirer également parti de l’une et de l’autre.

Cependant, le dimanche d’ensuite, on n’en vit pas moins mon rival. Je guettais l’instant du départ ; je devançai les friponnes et