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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/272

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LA DERNIÈRE AVENTURE

convaincre Mme Debée. Sara vint, ou plutôt Florimond nous l’apporta. Elle demeura muette… « Qui ne dit mot consent, » murmura la mère. Aussi Sara reprit-elle avec joie ses bijoux, et s’en retourna dans notre logement.

Voilà comme se termina la scène du 9 octobre. Ce jour a depuis été célèbre dans mes dates par ses anniversaires, surtout en 1784, qu’il fut abreuvé d’amertume et de douleur, par les inquiétudes que me causait la Paysanne pervertie[1] Le reste du mois s’écoula, sans que nous eussions d’altercation marquée. Cependant Sara changeait à vue d’œil, et il est à présumer que la fureur concentrée que je lui avais causée le 9 octobre lui avait tourné le sang ; une jaunisse complète et dangereuse se manifesta le 20. On eut recours aux remèdes ordinaires, qui furent sans effet. La Toussaint arriva. Quatre jours auparavant, un soir, pendant notre souper, Sara me demanda la permission d’aller passer ses fêtes à la petite maison de Noiraud, à cause de sa santé : ajoutant que si cela me faisait la moindre peine, elle n’irait pas. Je lui répondis avec une indignation concentrée, que j’y consentais, et que j’aimais mieux, tout considéré, la savoir infidèle que malade. Je résolus à l’instant de ne plus la voir. Mais je dissimulai. Elle partit la veille avec sa mère et Florimond. Elles restèrent cinq jours, et revinrent le dimanche, un jour plus tôt que Sara ne me l’avait annoncé, en me demandant la permission. Je m’aperçus de son arrivée le même soir ; mais je n’allai pas souper avec elle. Le lendemain matin, je n’y allai pas non plus. Enfin, à deux heures, je vis Sara entrer chez moi, dans ma nouvelle demeure de la rue des Bernardins. Jamais surprise n’égala celle qu’elle me causa. Je ne savais comment l’accueillir, lorsque, jetant les yeux sur elle, son air malade me fit pitié. Je la reçus avec attendrissement. Le prétexte de sa visite (car il en

  1. La Paysane (sic) pervertie ou les Dangers de la ville ou Histoire d’Ursule R…, sœur d’Edmond, le Paysan, mise au jour d’après les véritables lettres des personnages, par l’auteur du Paysan perverti… Imprimé à la Haye. Et se trouve à Paris chez la dame veuve Duchesne, libraire, en la rue Saint-Jaques, au Temple du Goût, 1784.