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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/275

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D’UN HOMME DE QUANRANTE-CINQ ANS

sa parole. J’y aurais compte de même. Cependant cet homme grave, un peu fier même, ne put résister à l’appât des rendez-vous secrets. Je soupais en particulier avec Sara dans notre chambre. Je croyais que mon rival ignorait qu’elle eut ce petit logement ; mais si tout cela n’était pas de concert avec sa mère. Sara le lui avait appris, en lui écrivant par le moyen de la mère de notre filleul, et par son coiffeur, espèce de gens qui gagnent autant à courtoyer l’amour qu’à coiffer les belles. Il fut convenu que Lamontette ne paraîtrait plus chez la mère, que très rarement ; mais qu’entre neuf et dix heures du soir, il viendrait s’en dédommager. Sara, sous prétexte de sa maladie, me pressait de souper de bonne heure. Je m’y prétais ; et dès que j’étais sorti, mon rival entrait.

Enfin un dimanche, un peu retardé par une affaire, je crus voir entrer mon rival dans la maison de Mme Debée… Le lendemain lundi, un concours singulier de circonstances me fit venir tard. Je causais, en soupant, et je me croyais si bien dans le cœur de Sara, que je lui vantais la pureté de mon attachement, depuis le temps où il aurait fallu la partager. Sara m’écoutait avec complaisance (et j’en fus surpris) ! Au milieu de notre souper, on frappa doucement à la porte. Elle me dit : « C’est quelqu’un qui se trompe ! Si c’est maman, elle redoublera : si c’est Florimond, qu’il s’en retourne ! » Nous achevâmes de souper, et l’on ne frappa plus. À la fin, prêt à m’en aller, je dis à Sara mille choses tendres, et je la tutoyais assez haut, en lui demandant : « Es-tu persuadée de la sincérité de mon affection ? Dis, ma Sara, l’es-tu ? » Elle me répondait : « Oui » à demi-voix, lorsque j’ouvris la porte. Je fus extrêmement surpris d’y voir un homme ! « Qui est-ce ? Qui êtes-vous ? » Au lieu de me répondre, Lamontette, que je reconnus pour lors, s’inclina et tourna le dos. Revenu auprès de Sara, je lui racontai que je venais de voir Lamontette : elle me répondit que sûrement je me trompais ; que peut-être était-ce Delarbre, qui serait de retour à Paris ; et j’allais me retirer, quand on frappa de nouveau. Sara se jeta devant moi pour m’empêcher d’aller ouvrir. Elle me pria si ins-