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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/276

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LA DERNIÈRE AVENTURE

tamment de rester que je ne pus refuser, quoique souvent je lui témoignasse mon impatience. Elle éteignit les lumières, mit de la cendre sur notre feu, s’approcha nu-pieds de la croisée et tâcha de voir qui frappait. Mais, dans la vérité, c’était pour faire signe à Lamontette de se retirer et qu’elle n’était pas libre. Je ne sais si elle réussit ; car on frappa trois quarts d’heure, à différentes reprises… Je m’impatientais horriblement !… Enfin Sara me permit de sortir, quand elle sut que sa mère était couchée. C’était une défense de la mère qui m’avait fait garder, écouter avec complaisance ; Mme Debée avait alors le projet de chasser Lamontette par un faux mariage avec un locataire veuf nommé Las ; de se moquer ensuite de cet homme, de me reprendre, pour la pension et les loyers, tandis que sa fille aurait une intrigue secrète, déjà mitonnée, etc. Aussi Sara, en me revoyant, m’avait-elle demandé le secret de sa mère.

Je passe tout ce qui a rapport au mariage simulé, mais que peut-être Sara croyait réel. Un soir, Florimond, ivre, s’était enfermé chez Mme Debée, qui ne put rentrer. Elle frappa chez sa fille qui, couchée avec Lamontette, n’eut garde de s’éveiller ! Las, non encore au lit, hébergea son hôtesse. Telle fut l’origine d’une nouvelle intimité. Or Mme Debée avait (et devait avoir) beaucoup de goût pour les nouvelles connaissances. On jasa une partie de la nuit. « Vous êtes veuf, monsieur ? — Hélas ! oui, madame. — Vous regrettez votre femme ? — C’était une compagne chérie. — Il faut en prendre une autre. — Où la trouver, madame, avec trois enfants, et une orpheline, dont je prends soin ! — Je vous la trouverai. — Ho ! si c’était vous, madame ! — Moi ! dit la dame, en faisant la petite bouche, je ne suis pas veuve. Mais je pourrais avoir quelqu’une à vous donner. — De votre main, madame… — Tenez, c’est la ma fille (elle affectait souvent de parler mal). — Un si grand bonheur, madame, etc. » Tout fut arrangé, dès cette première nuit. Sara, aussi friande de nouveautés que sa mère, accepta la proposition de mariage, et se comporta en conséquence à mon égard. J’en suis à notre dernier souper tête-à-tête.