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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/67

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LES DEUX CINQUANTENAIRES

vous n’avez pas encore pris. — Ah ! vous allez me les indiquer ? — Mais (reprit Élise en riant) j’aurais l’air d’un pédagogue et M. Parlis dit, que cet air ne va point du tout aux femmes. — Vous aimez bien la doctrine de M. Parlis ! — C’est qu’elle me parait appuyée sur la nature. — Quand on a une si haute opinion des sentiments d’un homme, on n’est pas loin de lui donner son cœur, si on ne l’a pas fait déjà ! — M. Parlis n’est ni plus jeune, ni plus beau que vous ; il manque, même à mes yeux, de certains avantages que vous avez ; s’il sait, malgré tout cela, gagner un cœur par ses sentiments, que n’employez-vous le même moyen ? — Ah ! je suis charmé de cette réponse adroite, ma belle ! et vous voilà pédagogue ? — Vous m’y avez engagée… je ne sais comment. — Si je pouvais aussi, je ne sais comment, engager votre petit cœur, je me trouverais le plus heureux des hommes. — Je me souviens, monsieur, que M. Parlis, en me parlant de vous, après votre première visite, me rendit quelque chose de votre entretien, entre autres ceci : — Qu’elle me rende amoureux, dût-ce être jusqu’à la folie ; je me livrerai moi-même, je lui suggérerai les moyens de me subjuguer, oui, je lui abandonne mon cœur… — Eh bien ! où voulez-vous en venir ? — Mais, d’après la haute idée qu’on m’a donnée de vous, et qui subsiste encore un peu, je ne serais pas fâchée… que vous vous fissiez aimer. — Je vous en ai demandé les moyens ? — Je les ignore peut-être… mais je crois déjà vous en avoir donné un : celui de me faire goûter vos sentiments et pour cela, de ne m’en montrer que de ceux que je puis approuver. — Je vous aime tendrement. — Celui-là ne me… déplaira pas ; je le trouve flatteur. — Je désire ardemment le bonheur d être à vous… que vous soyez toute à moi… de vous posséder… » (Ici, M. de Blémont joignit les actions aux paroles. Élise le repoussa vivement.) « Non, reprit-il, vous ne m’aimerez jamais ! — Je ne vous l’ai pas dit, je ne l’ai pas même pensé. — Mais vos actions le prouvent… Écoutez, mademoiselle, si j’étais de votre âge, peut-être n’aurais-je pas la fantaisie que vous allez entendre ; sûr d’obtenir un jour naturellement votre cœur, je risquerais le mariage, en