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Page:Restif de la Bretonne - La Dernière Aventure d’un homme de quarante-cinq ans, éd. d’Alméras.djvu/73

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LES DEUX CINQUANTENAIRES

lorsque les vues avaient été absolument claires : « Mais, si je me rendais aussi légèrement à vos demandes, que penseriez-vous de moi ? — Ce langage, ajouta M. de Blémont, ne marque pas une fille honnête ; elle se rendrait sans le Qu’en dira-t-on ? » Parlis plia ses épaules à une conséquence aussi ridicule, appuyée par un exemple que cita son ami, du temps qu’il avait trente-quatre ans. Une coquette l’avait alors trouvé à son gré. Elle l’avait invité à venir chez elle ; suivant M. de Blémont, une femme ne peut désirer la visite d’un homme que pour lui accorder la dernière faveur (ce qui peut être vrai en Italie, en Espagne, surtout à Maroc, même en Provence). Il arriva donc persuadé qu’il allait être heureux. Il s’en expliqua sur ce ton de la manière la plus leste, et on lui opposa le choquant : « Mais que penseriez-vous de moi si je me rendais à une première visite ? » Il avait répondu avec toute l’impertinence que Crébillon prête aux Français et il avait réussi, dit-il. Mais dabord il y avait ici de grandes différences ! Il avait trente-quatre ans ; il avait affaire à une coquette, à une femme à laquelle il avait plu, qui l’avait invité ; tout était fait et rien n’était fait avec Élise honnête, à laquelle il n’avait pas plu, et aux yeux de laquelle il paraissait un cinquantenaire ridiculement exigeant. Quant au propos qui l’avait choqué, c’est un langage honnête, convenable. Pour refuser une demande prématurée de la part d’un homme dont on voudrait faire un mari, une fille ne peut guère répondre autre chose ; ce qu’on lui demande est un acte légitime dans le mariage, le lui demander avant, c’est lui proposer une chose illicite ; elle peut donc répondre : « Que penseriez-vous de moi si je me rendais ? » Une jeune personne surtout a d’abord cette idée, qui est raisonnable, fondée sur la nature ; la facilité à nous accorder diminuant toujours la confiance de celui auquel on accorde, à moins que ce ne fût le plus présomptueux des hommes. Cette fausseté dans les idées de M. de Blémont, inspira la plus grande défiance à Parlis et de ce moment, il n’osa plus compter sur l’amitié d’un pareil homme. Mais il devait bientôt n’avoir plus de doutes à son sujet.

Parlis regardait Élise comme sa fille ; la manière dont il en