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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/105

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vernante, après avoir dit de sa filleule, que, bien que la plus grande fille du bourg, elle n’avait que seize ans, ajouta : « Je tiens par quelque endroit aux deux plus aimables filles de Courgis : Marianne Taboué est ma cousine et ma filleule, et j’aurais pu être la mère de Jeannette Rousseau, puisque son père m’avait recherchée en mariage… » J’entendis à peine le nom de Jeannette ; je rougis et ne savais que devenir… Heureusement j’étais seul à ma petite table auprès de la fenêtre qui donnait sur la cour, et personne ne fut à portée d’apercevoir mon émotion. J’aimais assez Marguerite, toujours propre, mais ses rapports possibles avec Jeannette doublèrent son prix à mes yeux. J’écoutai le reste de la conversation, non pas avidement, mais avec crainte et palpitation ; je craignais que le nom de Jeannette ne fut répété, comme on craint le retour d’un plaisir trop vif. Mais, dès que les trois causeurs furent séparés, je sentis une ardeur brûlante pour le travail : il semblait que je me disse à moi-même : « Allons ! du courage ! rendons-nous digne de cette fille-trésor ! Quel bonheur si je pouvais un jour, devenu son mari, l’intéresser, lui être cher, la voir trembler pour mes jours ! » Et je travaillais, je m’appliquais comme un homme de quarante ans.

Le lendemain, me trouvant seul, dans un instant de la journée où le curé, l’abbé Thomas et mes deux camarades avaient été au champ de la cure, qu’on ensemençait, il me vint dans l’esprit de