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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/149

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l’adore ; c’est le terme… Ô ma chère sœur Marguerite ! un jour, je vous prierai de… — De ?… Mais je vous entends, et je vous dirai quelque chose un jour… À vous parler vrai, j’aime autant la jeune Rousseau que ma filleule, et… peut-être davantage ; je ne vous le cache pas : puisque vous êtes sincère avec moi, je dois l’être avec vous. Je ne puis m’empêcher d’aimer tendrement la fille d’un homme qui me fut cher, et qui n’eut jamais de torts volontaires avec moi. Ainsi, quant à ce qui me regarde, je vous approuve. Oui, vous aimez comme il faut aimer, et comme il est rare qu’on aime ! et l’on est toujours heureux avec une femme quand on l’aime de cette manière. Mais, déguisez avec tout le monde, même avec votre maîtresse : s’il faut la prévenir, je la préviendrai en temps et lieu. » Je me jetai sur la main de Marguerite, que je baisai dix fois ; en la quittant, cette main, elle était mouillée de mes baisers et de mes larmes ! Sœur Marguerite, émue et voulant me distraire, me rappela que nous avions l’heure canoniale de Primes à dire. Nous nous recueillîmes, et en qualité d’homme je commençai : la sœur dit alternativement son verset, et moi le capitule, l’oraison, et tout ce qui est du ressort du célébrant. L’heure canoniale achevée, nous reprîmes la conversation. Marguerite la mit sur ma famille, sur mon père, sur les vues de mes parents à mon égard, sur le bien que chacun de nous pouvait espérer. Je répondis à tout, d’après ce que je savais : — « Nous ne serons pas riches, nous