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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/150

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sommes trop d’enfants : c’est pourquoi je sens qu’il faut bien travailler et ne pas perdre mon temps pour me faire mon sort à moi-même. » Marguerite leva les yeux au ciel en détournant un peu le visage, et dit tout bas : « Quel meurtre ! Je vois bien que tous les hommes sont hommes et les dévots plus que les autres. Ah ! » ajouta-t-elle tout haut ? « j’apprends bien tard à connaître le monde !… Monsieur Nicolas ! je vous approuve de vos sentiments ; ils sont bons, mais prenez garde aux imprudences ! car si vous en faites, vous n’étudierez plus. Il est inutile de vous en dire davantage, et pour tout autre j’en aurais trop dit. » Ces entretiens et deux heures canoniales que nous récitâmes encore, Tierces et Sextes, nous conduisirent innocemment à la ville.

Marguerite commença par expédier les affaires qui regardaient M. le curé ; ensuite elle s’occupa de ses emplettes particulières. Nous allâmes, pour cet effet, chez une marchande mercière Janséniste, à laquelle la gouvernante donnait sa pratique. Cette marchande, appelée Mme Jeudy, nous retint à dîner ; c’était une épreuve d’autant plus cruelle pour ma sauvagerie que cette dame Jeudy avait une fille charmante[1], nouvellement mariée à un jeune Janséniste de Clamecy, et une grande nièce très bien faite. Les jeunes époux vivaient à la maison sous les

  1. C’est l’héroïne de la lxxiiime Contemporaine, dans le XIIIme vol., intitulée Le Mariage enfantin.