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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/152

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pour les campagnards que l’air de cour l’est pour les citadins, ou que la naïveté villageoise l’est quelquefois pour un courtisan, son air de ville et ses autres attraits m’enchantèrent. « Ah ! que les filles sont ici jolies ! » pensai-je… « mais… Jeannette est un ange !… » La jolie personne joncée me fit oublier Sophie, mais la volupté excitée resta. Quant à sa rivale, elle doit faire un rôle intéressant quelque jour.

Nous partîmes d’Auxerre vers les quatre heures : c’était pour arriver avant sept à Courgis, c’est-à-dire à la fin du jour. J’avais peu mangé. Nous avions une petite halte que le dîner de Mme Jeudy avait épargnée. Après avoir quitté la route nouvelle, un peu au delà de Saint-Gervais, nous dîmes nones et vêpres ; ensuite, nous causâmes. Nous étions alors à Labrosse, partie de la paroisse de Quenne. Marguerite me parla de Mme Jeudy, de sa fille Sophie et de sa grande nièce. Elle me conta que cette dernière, âgée de vingt-six ans, était autorisée à traiter fort durement sa jeune cousine et son mari, dont on l’avait établie la surveillante. La bonne gouvernante, en m’apprenant en quoi consistait la gêne imposée aux nouveaux époux, désapprouvait la conduite de la mère ; elle me dit naturellement qu’elle était fort surprise que M. le curé (mon frère), qui était son confesseur, n’exigeât pas d’elle qu’elle en tînt une autre. « Mais ils ont tous de singulières idées ! » ajouta-t-elle ; « il semble, à les entendre, que le mariage soit un péché ; et cependant c’est un