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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/155

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touché de son ton, je devins tendre au lieu de brutal ; je l’embrassai en lui disant : — « Ma chère Marguerite ! je ne sais… mais… il faut que j’en meure !… Si vous saviez… Que je vous doive le calme ! je suis dans une situation que je me jetterais sur une femme et que… elle me tuerait, ou il faudrait que je la tuasse si elle voulait me résister… Non, ce n’est pas un péché ! ce que j’éprouve est insurmontable !… — Mon cher enfant, je suis plus instruite que vous ; d’ailleurs, ma délicatesse y répugne… Écoutez-moi : je vous ferai mon histoire le reste du chemin… Voudriez-vous un jour (si jamais vous étiez sur le point d’obtenir la main et la foi de Mlle Rousseau) qu’un obstacle, aussi cruel qu’inattendu… » À ces mots, interdit, décontenancé, je cessai mon attaque avec une sorte d’effroi, en laissant échapper un soupir. Marguerite, débarrassée, monta lestement sur Martin, et je fus obligé de la suivre. Au moment où je la rejoignis, elle me dit qu’elle voulait me tenir sa parole en me racontant son histoire :

« Je suis nièce de feu M. Polvé, curé de Courgis, avant M. Juliot, prédécesseur de votre frère. Je fus élevée chez lui par ma mère, qui était veuve, et qui demeurait avec son frère. À seize ans je la perdis. Mon oncle était un homme dur, et puisqu’il faut me faire entendre, il n’avait que trop de penchant pour le péché auquel vous êtes enclin… Prenez-y garde. Monsieur Nicolas ! cette passion, non réprimée, mène plus loin qu’on ne pense !