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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/166

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talité. Ce personnage était entièrement de mon invention, et jamais il n’en fut de tel dans aucune comédie ; on ne peut en prendre une idée, qu’en se rappelant cet anthropophage des environs de Toulouse, dont j’ai déjà parlé. Le désordre de mon imagination était extrême, dans ce rôle ; je m’y livrais aux descriptions obscènes de Pierre Courtcou. On sent combien je devais craindre que ce cahier ne tombât entre les mains de l’abbé Thomas ! Je le tenais toujours dans ma poche.

Un jour, que je partais seul pour Sacy, chargé d’une commission qui devait me conduire jusqu’à Joux, l’abbé Thomas me vit ôter ce cahier de la veste que je quittais, pour le mettre dans l’habit que je prenais. Il le saisit par un bout, et me le voulait arracher : je le tenais par l’autre, faisant difficulté comme en riant, de le lui laisser voir, quoique j’en tremblasse. Il s’imagina, en voyant du Latin, que c’étaient des thèmes mal faits, dont j’étais honteux, ou peut-être ma confession : il céda. On va juger de quelle importance il était pour moi qu’il ne vît pas ce malheureux cahier, quand on saura que j’y avais inscrit en outre, en mauvais Latin, l’histoire de ce qui s’était passé entre Marguerite et moi ! Aussi je crois que je me serais fait hacher, plutôt que de le laisser voir. À peine échappé de ses mains, je frémis du péril que je venais de courir ! je relus mon cher cahier, dont je me promis bien de faire le sacrifice. Arrivé à Sacy, j’allai à Joux, après m’être rafraîchi. Au retour, sous les vignes de Sautloup et de Montgré,