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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/184

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

bonne que les jambes, quand je me suis trouvé prés de Saint-Cyr, je crois les avoir aperçus sur la lisière du taillis, que sans doute ils avaient fouillé. À mon retour, la nuit était tombée, et je n’ai plus eu peur d’eux. »

En racontant cette fable, je jetais de temps en temps les yeux sur mes auditeurs, au nombre de cinq, et je remarquais avec plaisir sur leur visage tour à tour la crainte, l’espérance et la joie. Le curé sourit, en disant : « C’est fort bien raconté ! » L’abbé Thomas sourit par imitation ; Marguerite me regardait la bouche entr’ouverte, et je crus voir que ma relation l’avait intéressée. Huet avait un air admiratif ; Melin sautait de joie ; ensuite ils racontèrent tous deux différents traits de ma légèreté à la course, dont je leur avais donné des preuves en mainte occasion. Ce fut ainsi que j’évitai une foule de questions embarrassantes : car bien qu’on ne soupçonnât pas ma témérité à l’égard de Marguerite ; qu’on ne pût deviner les étranges idées qui m’occupaient, néanmoins ma véhémence naturelle, mon caractère ardent à la fois et concentré, donnaient contre moi des idées vagues au soupçonneux abbé Thomas.

Après le dîner, il n’y avait aucun intervalle les dimanches et fêtes ; on allait faire le catéchisme. Mes deux camarades et moi nous occupions un banc qui touchait à la balustrade du chœur ; tous les garçons étaient derrière nous. De l’autre côté, séparé par le passage de la nef au chœur, étaient les filles, les grandes d’abord (et il y en avait beaucoup !) les