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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/183

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trop jeune, n’ayant que quinze ans. — « C’est bon ! se sont mis à dire les recrues ; il grandira : il faut l’engager. » Ils m’ont saisi. Moi, j’ai bien vu qu’il était inutile de résister : j’ai songé qu’il fallait qu’ils passassent par Noyers, et que mon père y étant connu, je réclamerais l’assistance de nos parents et de nos amis. Me voilà donc à marcher, guettant l’occasion de m’enfuir. Ils n’ont pas voulu s’arrêter à Préhy, chez M. Quatrevaux, de peur sans doute que je n’en fusse connu. Je n’avais d’espérance de me sauver qu’à Noyers… Ils m’ont demandé si j’y connaissais quelqu’un ? J’ai dit que non. Et je n’ai guère menti : car je n’y connais personnellement aucun de ceux sur lesquels je comptais, comme M. Miré, le maire, M. Julien, le médecin, M. Perraut, dont je ne sais que les noms. Heureusement, lorsque nous avons été vis-à-vis le vallon du Puits-debond, me voyant à cent pas environ devant eux, et me fiant à ma légèreté, je m’y suis lancé à travers champ, sautant les sillons quatre à quatre, quoique j’eusse mon panier. Ils ont crié, en courant après moi : mais plus j’allais, plus je gagnais l’avance. Je suis ainsi parvenu au petit bouquet de bois qui est de l’autre côté du vallon, et la hauteur du taillis m’a dérobé à leurs yeux. Je n’ai pas été si sot que de m’y cacher ! j’ai longé en droite ligne, et je suis descendu dans un autre vallon, où est le chemin de Préhy à Saint-Cyr. J’ignore s’ils m’ont poursuivi au delà du bois ; mais comme j’ai la vue aussi