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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/192

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

et tout le monde t’accableraient ? Je t’ôterais ton état, pour en donner un à ton enfant ? Je te sacrifierais à un être qui n’est pas né, qui ne te vaudra peut-être pas ; qui peut-être sera fille, et n’aura pas besoin de légitimité, par les précautions que je vais prendre ? Et quand cet enfant, quel qu’il soit, en aurait besoin, que lui donnera-t-elle ? Nous sommes roturiers ; en vivant à Paris, où je ferai nourrir mon enfant, il sera autant que tout le monde. Tranquillise-toi, mon jeune ami ; je ne te ferai pas de reproches. Moi, t’en faire ! sera-ce de m’avoir rendue mère ? Ah ! c’est par là que je te dois : de toutes les consolations, c’est la plus efficace, et je te la devrai ! Tu me donnes qui aimer avec innocence, pour le reste de mes jours ; un enfant tout à moi, et dont je disposerai seule (bonheur dont je n’ai pas encore joui) : voilà un présent que je n’oublierai jamais… Mon jeune ami ! voici mes résolutions, qu’il était nécessaire de te communiquer : dés que je ne pourrai plus cacher mon état, j’irai à Paris, sous prétexte de voir mon frère, qui est à Versailles, panetier du Roi : je confierai mon état à une parente sûre, sans te nommer encore : je ferai mes couches ; je mettrai mon fils ou ma fille en nourrice ; puis je reviendrai ici pour deux ans ; c’est-à-dire, jusqu’au sevrage de mon enfant, que je ne quitterai plus. Je ne t’écrirai pas, de peur de mésaventure. À mon retour, je te dirai le sexe de notre enfant, et les mesures que j’aurai prises,