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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/20

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Vermenton, le grand Auxerre, et tous les pays que nous avons vus, les battraient ? — Tout cela fuirait devant des soldats bien armés… » Je n’entendis pas trop cela.

L’endroit où nous devions coucher était Ponthierry, sur la route nouvelle, à quatre lieues de Fontainebleau et dix de Paris. C’était à Ponthierry que demeurait mon frère Boujat, le chirurgien, qui n’était pas encore établi. Il nous reçut avec des transports de joie. Mon père aimait ce bon garçon comme s’il avait été son fils, et il en était aussi aimé que respecté. Malgré la joie que j’avais de le voir, il me prit dans cet endroit un si violent accès d’humeur sauvage, que je ne voulus jamais manger à table chez M. Lebrun, son chirurgien ; on fut obligé de me donner à manger dans notre chambre. Mon père ne me fit aucun reproche sur cette fantaisie ; et comme Boujat lui en témoignait son étonnement, j’entendis qu’il lui disait : « — Mon cher enfant, ce défaut ne peut durer : Nicolas fera comme tout le monde un jour, s’il acquiert assez de mérite pour avoir de l’assurance ; mais s’il n’en acquiert pas, il sera toujours sauvage. Et quel mal alors qu’il se cache ?… Mon cousin Droin des villages a un fils qui se cache, comme Nicolas : mais c’est caprice, mauvaise humeur. Celui-ci n’a que de la honte ; je l’ai observé ; il n’en veut pas aux personnes qu’il évite ; il n’a qu’une honte insurmontable, causée par sa défiance de lui-même ; et ce sentiment ira toujours en s’affaiblis-