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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/21

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sant, avec l’âge et l’usage. Rien de si mauvais, selon moi, qu’une correction inutile. » Ce discours me fit un secret plaisir, et m’inspira un nouveau degré d’attachement pour un si bon père. Et je suis persuadé que, si Jean Restif l’avait entendu, il lui aurait dit : « — Mais, Edm’lot, tu as pourtant de l’esprit ! » Pendant que j’étais seul, mon vallon désert me revint à l’esprit, et je versai des larmes.

C’était le dimanche. Le lundi matin, Boujat nous reconduisit à cinq lieues. C’est la dernière fois que je l’ai vu. Cette formule reviendra souvent dans le cours de mon histoire, et je ne l’écrirai pas une fois sans attendrissement ! Si jeune encore, j’avais bien des personnes qui m’aimaient, que je ne devais jamais revoir !…

Les environs de Paris sont charmants. J’avais beaucoup de plaisir, ou plutôt d’étonnement, à considérer les belles maisons qui bordent la route des deux côtés. Cet air de grandeur ne portait pas le désir dans mon âme ; je n’enviais rien, si ce n’est les parcs ; j’aurais voulu habiter les bois, les sites demi-sauvages, pourvu que le château eût été bien loin ! J’ai senti ce que peu d’hommes ont éprouvé, ce que doit éprouver un sauvage amené en France, en voyant toutes nos belles choses : s’il a une âme, que ce ne soit pas un de ces automates, comme il en est tant parmi nous, qui n’ont jamais senti, tout cela doit l’attrister dans les commencements ; il peut ensuite en prendre le goût : mais alors même ce