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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/201

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fais, justice à leur piété ; mais je vous donne ces avis, parce que je vous les dois… Adieu, Monsieur Restif ! » (c’est la première fois qu’elle me donnait mon nom de famille) ; « je vous quitte avec un serrement de cœur qui me fait craindre pour vous… Ho ! de la prudence ! Je vous ai fait éviter plus d’une surprise, sans que vous le sussiez vous-même : mais vous n’aurez plus personne pour vous… » Elle m’embrassa en me pressant contre son sein : — « Va », me dit-elle, « quitte-moi, que j’essuie mes larmes, avant de sortir d’ici… » Je la quittai ; je retournai vingt fois la tête, avant que le détour de la colline me cachât Saint-Gervais. Enfin, je la vis sortir de sous la voûte (la même où depuis j’ai tant pleuré une jeune beauté, qui voulait aussi mon bonheur) ; elle me fit un signe d’adieu, avec son mouchoir ; et moi, prêt à passer derrière la colline, je lui tendis les bras. Elle leva les deux siens vers le ciel, avec un mouvement si rapide, que j’en fus frappé… Je fis deux pas, et je ne la vis plus…

Je ne la revis plus ! et c’était pour jamais ! Je m’en revins pensif, pénétré de ses avis, ressentant au fond de mon cœur læamitié la plus vive pour cette fille généreuse. Lorsque je fus dans la vallée de Montalery, vis-à-vis la fontaine où nous avions autrefois goûté, mon attendrissement redoubla : je m’arrêtai ; j’élevai la voix, et je prononçai ces paroles, en les modulant sur les Lamentations de Jérémie : « Comment, ô fille généreuse, dont la bonté m’atten-