Aller au contenu

Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup cette fille ! C’était une de ces figures que je n’ai jamais aimées, mais qui plaisent aux cœurs de carton ; un visage assez régulier, uni, sournois, colorié, couvert de duvet ; un air vigoureux, des membres forts : je voulais de la délicatesse dans les femmes ; Jeannette était la plus délicate que j’eusse encore vue ; Marguerite avait bien plus l’air d’une dame que d’une villageoise… Je dis à Huet que nous avions perdu la meilleure des gouvernantes, et que tout ce que je désirais, c’est que sœur Pinon nous en dédommageât à moitié. — « Ça ne sera pas », répondit Melin, en tombant de sur son âne, qui le jeta par terre ; « car elle m’a déjà fait gronder aujourd’hui : et cent fois j’ai fait pis à Marguerite, sans qu’elle ait rien dit… Votre sœur Pinon est une flatteuse, une rapporteuse ; c’est moi qui vous le dis. » Et le polisson, remonté sur son âne, s’éloigna de nous, pour aller tomber encore… Nous arrivâmes ainsi au presbytère, les deux ânes plus fatigués d’un quart de lieue fait avec mes camarades, que de toute la route faite avec moi ; car j’ai toujours été bon et humain, comme l’était mon père, envers les animaux utiles.

Il ne m’arriva rien de particulier, les premiers jours qui suivirent le départ de Marguerite ; mais je voyais certaines choses, qui me rendirent moins circonspect… L’abbé Thomas était sain, vigoureux : son genre de vie, sa piété même devaient l’exposer à de cruels combats avec le démon de la chair ! Sœur Pinon, jeune, grasse, fleurie, blanchie depuis