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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/204

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

la cessation des travaux champêtres, ayant, au lieu de cet air imposant et noble de Marguerite, un sourire de soumission, fit une impression visible sur lui. Il eut un rival : la nouvelle gouvernante n’en faisait pas une moins vive sur Huet, malgré le goût entrevu. C’était à qui des deux paraîtrait le plus complaisant pour elle. Sœur Pinon, qui n’avait que ses vigoureux appas, et qui se chaussait mal, ne m’inspirait rien ; je regardais en pitié mon maître et mon camarade, et je pensais bien secrètement : « Quelles âmes grossières !… Mais, que dis-je ? que deviendrais-je, s’ils avaient mon goût, qu’ils adorassent Jeannette ? » Et je m’applaudis de leur matérialité ; je m’en félicitais, et ne les en méprisais pas moins.

Mais la vue continuelle de leurs imprudences me rendit moins attentif sur moi-même. Je négligeai les sages avis de Marguerite ; les fréquents badinages de læabbé Thomas avec la sœur, quoique peu de chose, me firent m’imaginer, très mal à propos ! qu’à l’avenir, il serait moins sévère (c’était tout le contraire qu’il fallait imaginer, les hommes veulent regagner sur les autres ce qu’ils perdent sur eux-mêmes). Je fus tenté d’écrire un billet à Jeannette, où je lui déclarerais mon amour et la prierais de me faire réponse. Rien ne pouvait excuser cette folie, que ma passion extrême et mon ignorance, Je regrettai outre mesure de ne pas avoir employé la médiation de Marguerite pour me déclarer. C’est que j’oubliais que je ne l’aurais pas osé ; le moment où j’aurais su