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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/207

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fromage à la crème. J’allai secrètement à ma cachette, j’en tirai mon poème et je le mis, non dans ma poche, mais… dans mes hauts-de-chausses. Sage précaution ! Sous je ne sais quel prétexte, l’abbé Thomas me fouilla comme en riant. Il parut surpris de ne rien trouver ! Je partis.

En route, il me vint une idée : si j’avais été épié, si la sœur Pinon m’avait vu ? Si l’on savait ma cachette ?… Heureusement, j’ai mon cahier !… Je le tirai de mes culottes et je me mis à le lire. Je fus tenté de le déchirer en mille pièces ou de l’enterrer dans un champ où il pourrirait. « Mais si je pouvais le sauver ? Si je le pouvais conserver, pour le corriger un jour, quand je serai plus savant ?… » En parlant ainsi, j’avais déjà détruit ce qui regardait Marguerite ; je le regrettai amèrement !… Je ne formai point d’agréables chimères à ce voyage ; mes idées confuses et chevrotantes ressemblaient celles d’un coupable qui médite ce qu’il dira s’il est arrêté…

Arrivé à Lichères, j’y trouvai Lemoine et tout se passa comme au premier voyage ; le vin blanc, le fromage à la crème, avec ail, sel et poivre, furent excellents. « Savez-vous, Monsieur Nicolas, » me dit Lemoine, « que vous serez un compère ?… » Vous buvez sec ! « Je lui répondis que je ne buvais jamais de vin ; que je préférais l’eau, excepté pourtant son vin blanc. Il trouva dans ma réponse un compliment que je n’avais pas dessein d’y mettre ; il