Aller au contenu

Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De leur côté, ils avaient enfin décidé mon sort : ils interrompirent adroitement le cours de mes études ; d’abord en m’abandonnant à moi-même. Mais voyant que mon application redoublait (ils ignoraient que j’eusse une excitatrice puissante ; ils ne me croyaient que libertin, et j’étais tendre en outre, mais cela passait leur concevabilité, ou n’aurait pas changé leur façon de penser ; quand on confond les passions avec les crimes, qui sont leurs effets outrés, on s’égare, et l’on perd ceux qu’on prétend conduire) ; s’apercevant, disais-je, que mon application redoublait, et leur résolution étant invariable, ils me firent consumer mon temps en commissions, en ouvrages des mains. Enfin, ils parlèrent ouvertement à mon père de me donner un métier. Edme Restif leur répondit : — « Je n’aime pas les métiers des villes ; ils sont faits pour les pauvres habitants des cités. Si votre jeune frère n’étudie pas, mon état est préférable ; mais afin de l’exercer avec quelque distinction, et de pouvoir remplir les places, plus honorables que lucratives, que j’occupe moi-même, il faut qu’il soit instruit. Instruisez-le donc ou rendez-le moi. » Cette fermeté déconcerta mes aînés, qui se retranchèrent uniquement derrière la Religion, en montrant l’abus que je faisais du peu que je savais déjà. — « Ha ! » leur dit mon père, « si l’on jugeait tous les hommes avant seize ans et même vingt, quelquefois vingt-cinq, les meilleurs sujets seraient souvent mis au rebut !… Mes fils, j’ai de l’expérience et l’avis de