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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/222

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

de ceux qu’il y faisait ordinairement, pour le contrôle de ses actes (car on sait qu’il était aussi notaire ; c’était une parité de condition entre le père de Jeannette et le mien). À l’arrivée à la maison, j’y trouvai l’abbé Thomas, qui m’aborda d’un air ouvert. Je fus touché. Il me remmena, sans qu’on me dît un mot de ma faute… En chemin, l’abbé Thomas me conseilla de demander pardon à notre frère aîné. Je le fis, et ensuite à l’abbé Thomas lui-même : et ils dirent tous deux qu’ils me pardonnaient.

À mesure que le temps éloigna ma faute, on me la fit sentir davantage (ce que je ne désapprouve pas). J’appris d’abord qu’on en avait instruit l’évêque, M. de Caylus, le supérieur du Séminaire, M. Viel, enfin tous les principaux ecclésiastiques d’Auxerre, comme les chanoines et les curés Jansénistes. Ce qui me fut très sensible !… Mais j’avais commis la faute ; j’étais plus coupable que ceux qui la divulguaient. Je sus ensuite par la gouvernante de M. le chapelain, qui le tenait de la sœur Pinon, que mes vers et ma lettre étaient déposés dans la sacristie, comme des monuments contre moi, et pour en demander au Seigneur la vengeance. Je palis de frayeur ! J’avais lu, dans les Vies des Pères du Désert, qu’un dépôt à peu près semblable ayant été fait contre un coupable, par sa mère, il ne put échapper à la punition. Je repris ma haine contre mes frères, et elle devint plus vive qu’auparavant.