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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/225

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velle. L’abbé Thomas crie au secours, avertit le curé, fait sonner le tocsin, rassemble des hommes, et, comme l’eau est rare à Courgis, il les engage à couper le feu en abattant une maison isolée. On délibéra, le propriétaire paraissant absent ; mais enfin on s’y déterminait et l’on enfonçait les portes, quand le toit de chaume prit feu. Plusieurs hommes montèrent, au péril de leurs vies, et parvinrent à l’enfoncer dans le grenier. Mais la secousse donnée causa le plus grand mal ! Une manvée[1] de glui, (paille de seigle qu’on appelle chaume à Paris), soulevée par là, fut portée toute embrasée de la maison de Jeannin le maigre au milieu du bourg, sur celle de Jeannin le gras, qui, disait-on, avait un arpent de couvert… Dés que les abatteurs se virent devancés par le feu, ils perdirent courage, surtout en voyant les propriétaires de la maison, le mari et la femme, qui s’y étaient enfermés, étouffés dans les flammes et la fumée ! Chacun se hâta d’aller chez lui pour sauverce qu’il pourrait. On voyait courir les mères, n’emportant que leurs enfants, à mesure qu’elles étaient chassées de rues en rues par l’incendie, dont l’aspect, le crépitement, les bruyants éclats excitaient dans l’âme une horreur profonde… Hardi, intrépide, je courais partout où le feu ne fermait pas absolument le passage. Je montai au clocher, pour lequel on craignait, afin de le préserver des flammèches.

  1. Manvée s’écrivait manuée et vient de manus ; c’est une poignée.