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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/235

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monde aurait eu les yeux sur moi ; je n’osai plus y aller après. Je crus qu’on m’oublierait dans la foule ; je n’y allai pas. M’oublier ! je me trompais. Lorsque l’office fut achevé, le curé, dans la sacristie, fit appeler l’abbé Thomas, l’instruisit de son grief, le plus grand à ses yeux qu’il eût encore eu, et il lui dit de m’envoyer auprès de lui : l’idée qu’avaient, ou que feignaient d’avoir mes deux frères, c’est que je méprisais la Religion, que je l’abjurais, que la lecture des auteurs profanes m’avait rendu, non athée, mais païen, comme le célèbre empereur Julien, dit l’apostat, dont ils me faisaient l’honneur de me supposer le caractère. Ce fut d’après cette idée qu’agit le curé. J’étais si peu coupable par l’intention, que j’allai gaîment le trouver. Mais qu’on juge de ma surprise, lorsque je fus entré dans la sacristie, de le voir se mettre à genoux devant moi, pour me conjurer avec larmes de ne pas abandonner la Religion de mes pères !… Je fus si étourdi, si étonné de cette momerie (qui, pour le dire en passant, ressemble à la plupart de celles des anciens saints, tous êtres assez insupportables), que je demeurai muet. Je ne le comprenais pas même encore ! « Vous méprisez la croix de Jésus-Christ, mort pour vous !… » Voyant alors la source de son erreur, je me mis à genoux comme lui, mais je ne pouvais revenir de mon étonnement ! Une foule de pensées m’agitaient ; une surtout m’irritait, et me rendait insensible aux pathétiques discours de mon frère ; j’entrevoyais qu’on saisissait une occasion de me rendre odieux à