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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/237

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mère… En achevant le dîner, après les grâces, le curé me fit un cruel reproche[1]… Je sentis alors mon courage, pour la première fois, contre lui ; ce penchant à la colère, à l’emportement furieux, qui m’a si souvent égaré, se manifesta ; je me trouvai dans cet état, plus terrible chez les timides que dans les hardis, parce qu’il met les premiers beaucoup plus hors d’eux-mêmes : « Je vois enfin, » m’écriai-je, « que vous êtes tous deux mauvais à mon égard. Je vous hais à mon tour, autant que vous me haïssez ; je puis à juste titre vous reprocher toutes mes fautes ; elles sont votre ouvrage. Je n’en ai point de remords, c’est à vous d’en avoir ; elles ne me donnent que de la colère et de la haine contre vous !… » Après cette explosion forcenée, mes forces m’abandonnèrent, je m’évanouis…

Mes reproches, ma hardiesse, la timidité, le respect que j’avais toujours marqués en présence de mon frère aîné, mon évanouissement, tout contribuait à jeter les deux frères dans le plus grand étonnement. Mais ce qui les mortifia davantage, c’est que je parlais devant mes deux camarades (on nous avait renvoyé Huet des écoles Saint-Charles) ; devant ma sœur Marie, de Paris, qui était venue passer le carême chez eux, et devant la sœur Pinon. Mon évanouissement, que l’on ne put soupçouner

  1. Il attaqua ma mère. Cela est relatif au mot de mon père : « La vertu même a péché aujourd’hui ! »