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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/238

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

d’être feint, empêcha les suites qu’aurait eues ma conduite. On me secourut ; je revins à moi difficilement. Je parus d’abord ne me ressouvenir de rien. En recouvrant ma mémoire, je fondis en larmes, et je protestai de mon innocence en découvrant mes motifs. On me crut ; le curé fut un peu honteux de la vivacité de ses démarches ; mais on ne me pardonna pas. Ce fut à dater de ce moment qu’on m’ôta jusqu’au papier de simple écriture, sans doute afin d’obliger mon père à me retirer. Ce conseil fut en partie donné par ma sœur Marie.

Que ce qui m’est arrivé pendant mon séjour à Courgis soit à jamais une leçon pour les parents de ne pas mettre les enfants d’un second lit à la disposition de ceux d’un premier. Jamais les enfants d’un même père et de deux mères ne peuvent s’aimer véritablement, quoi qu’on en dise, puisque la Religion, la piété la plus vraie n’a pu produire cet effet sur mes frères… Ma sœur de Paris alla avec eux, sans moi, voir mon père : croirait-on que, malgré ma justification admise, elle présenta mon omission d’aller adorer la croix, comme elle avait été vue d’abord ! je le sus, et que mon père, toujours bon, toujours admirable, lui avait répondu : — « Ma fille, songez-vous que vous me parlez de mon fils ?… Je vous excuse : votre tendresse pour vos frères, qui sont mes premiers fils, me fait excuser ce que vous dites ; vous ne m’ôtez rien à moi, puisque vous donnez à ceux qui me sont autant, ce que vous ôtez à celui qui ne m’est pas moins ; mais vous