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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/29

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duquel on voyait les trous de sa chemise ; elle portait devant elle un petit van » (un éventaire) ; et elle chantait : Crocüites ! Crocüites au fouhour !… Elle était aussi gaie, aussi hardie, que si elle avait été bien habillée ! Elle riait à tout le monde. J’aurais pourtant eu pitié d’elle si elle ne s’était pas moquée de moi quand je me suis approché tout contre pour regarder ce qu’elle vendait : — Pou’ comben en voulez-vous, l’petit garçon ? J’vou’ en ferai pou’ deux yards. — Moi je n’ai rien dit, et elle m’a fait des yeux ! en disant à une de ses camarades : — R’garde donc, quiens, Marie-Louise ! ce p’tit Jocriss’ qui mène les poules pisser, c’m’i’me r’garde en imbécile qu’il est ! I’ m’prend pour eune curiosité d’la foire, qui l’prenne ! I’ vient d’loin, car il a les pieds poudreux, l’ petit hébété !… — Et puis elle s’est remise à chanter : Crocüites ! Crocüites ! ses deux poings sur ses hanches, comme ça. Je ne sais ce que c’était, car ça était recouvert d’une vieille étoffe noire, et ça sentait la poire cuite… » Je dis cela si naïvement que tout le monde, jusqu’à mon père, en rit de bon cœur. — « J’ai bonne opinion de mon jeune frère, » dit Marie ; « je vous le recommande, mon frère, » ajouta-t-elle en s’adressant à l’abbé Thomas. — « Il est facétieux ! » s’écria Beaucousin ; « je veux lui apprendre des bons mots. » En même temps, il dit une demi-douzaine de trivialités, dont il rit beaucoup, et que j’ai parfaitement oubliées ; mais on en vend de pareilles, chez Langlois. Mon père leur ra-