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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/30

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conta ensuite, pendant que j’étais devant la porte à regarder Paris (mais j’avais l’oreille), comment mon frère le curé avait été surpris de ma prodigieuse mémoire. Ceci flatta l’abbé Thomas, qui se proposa de se servir de moi pour exciter ses élèves, qui, presque tous, étaient des nonchalants.

Après le dîner et un peu de promenade dans la ville, il fallut quitter mon père pour m’en retourner à Bicêtre avec l’abbé Thomas. Cette séparation ne fut pas absolument douloureuse, parce que mon père ne partant pas encore, je devais le revoir ; j’étais d’ailleurs dans une sorte d’ivresse.

En chemin, mon nouveau maître me dit des choses fort sensées. Il me fit observer qu’il avait beaucoup d’élèves, au nombre desquels j’allais être ; que le nom de frère, que je lui donnerais, mettrait de la différence entre eux et moi ; qu’il était plus désintéressé de se rendre parfaitement leur égal en l’appelant Monsieur comme les autres. Ce mot fut pour moi un trait de lumière, et, glorieux comme je l’étais, je sentis qu’il était digne de moi de ne rien devoir à la faveur du sang. Je m’appelais Nicolas Edme ; l’abbé Thomas me dit qu’on se nommait frère dans la petite Communauté ; qu’il y avait deux élèves qui portaient le nom, l’un de frère Nicolas, l’autre de frère Edme ; qu’il n’était pas possible de leur ôter leurs noms. « Mais j’en sais un qui conviendra : on vous appellera frère Augustin, c’est un beau nom ! celui du plus grand docteur de l’Église. Vous le voulez bien ? » Je ré-