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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/36

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les officiers et les prêtres de la maison, avaient coutume d’en distribuer quelques morceaux aux enfants ; frère Jean-Baptiste et Fayel, qui étaient à la petite table, en étaient les porteurs. Le premier venait toujours à moi, il disait tout bas au maître : — « Frère Augustin, élevé à la campagne, ne mange presque pas de notre ragoût dont les Parisiens s’accommodent mieux. — Est-ce lui qui vous a chargé de me dire cela ? — Lui ! s’il savait que j’en parle, il en mourrait de honte ! Il rougit toutes les fois que je lui porte quelque chose. » Il est aisé d’imaginer combien je devais être sensible à un procédé pareil de la part d’un camarade à qui je ne parlais plus ! Fayel lui-même en était touché (car ce fut lui qui me l’apprit), mais sans en être moins jaloux, au contraire il l’était davantage : il aurait voulu que je n’eusse rien tenu que de lui. Il m’aimait autant que je l’aimais. Mais avant que de citer un trait de son amitié, il faut en amener l’occasion : c’est un de ces éclairs de sensibilité qui ont souvent porté la lumière sur mon existence obscure en faisant remarquer l’énergie de mon âme.

Chaque dortoir de Bicêtre a un gouverneur et un sous-gouverneur. Durant les dernières années de Vintimille et sous le court épiscopat de Gigot de Bellefons, qui mourut de la petite vérole, les Jansénistes s’étaient jetés dans les hôpitaux où ils faisaient beaucoup de bien. Ils avaient établi un ordre un peu monacal dans les dortoirs ; mais ce qui n’était pas une cagoterie, c’était la propreté, c’était l’améliora-