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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/37

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tion des aliments, c’était le vin qu’ils donnaient à leurs dépens, c’étaient dix mille livres de revenu que mettait dans la maison le seul sous-gouverneur de Saint-Mayeul, dont le nom précieux m’est échappé ; mais je me souviens de celui du gouverneur : il se nommait Duprat et il avait une sœur employée dans la maison, c’était elle qui distribuait l’ordinaire à notre petite communauté. Le sous-gouverneur était un homme de condition, qui avait été libertin ; depuis sa conversion, opérée par les Jansénistes, il servait les pauvres. Tous les autres dortoirs étaient alors sur le même pied ; un M. Lancelot gouvernait l’infirmerie de la Force, etc. Chaque dortoir porte le nom d’un saint, et a, par conséquent, une fête patronale qui se célèbre avec solennité ; il y avait grand’messe à l’autel de la chapelle particulière, vêpres, sermon, salut. C’était aussi une petite fête de régal pour les pauvres, avec quelques dons de linge, de tabac et même d’argent. Il fallait voir comme ces Jansénistes étaient bénis !… Le jour de la fête de Saint Mayeul, dortoir du bon sous-gouverneur, la salle fut tendue de tapisseries de paysages, représentant des bois, des animaux sauvages, des oiseaux, mais point de chasses ; c’étaient des animaux paisibles dans la tranquillité de la nature. On chanta la messe. Mes yeux se portaient avec ravissement sur les tapisseries ; mais les occupations continuelles du service m’empêchèrent d’y donner toute mon attention : cependant le charme opérait ; je croyais voir mon vallon chéri, peint au naturel… En sortant de la