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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/40

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fille du crime ; mais la luxure, le penchant insurmontable pour ces plaisirs homicides, que la Beauté assaisonne par l’art de la parure, et celui, plus coupable, de la lubricité, qui extorque au delà des forces de la nature. J’ai bu dans la coupe empoisonnée des villes le goût des tailles fines et des pieds mignons, des gorges enchanteresses, des minois chiffonnés, des nez voluptueusement retroussés, du sourire agaçant, des enfantillages mignards, des mots séducteurs, de la parure extravagante, d’une marche lascive, d’une trompeuse facilité, de l’avilissante et perfide prostitution ! Ô goût des forêts, je t’ai perdu, en perdant mon innocence !… Que je devais pleurer !

Tous mes jeunes confrères s’étaient enfin aperçus de mes larmes : elles avaient effrayé mes deux amis, le tendre, quoique jaloux Fayel, et le généreux Poquet. Ce dernier me fit remarquer à l’abbé Thomas, en lui disant : — « C’est son ennui qui lui reprend. » En arrivant chez nous, le maître me parla d’un ton de douceur. Je souris. — « Qu’aviez-vous à pleurer ? » me dit-il. Aussitôt mes larmes coulent ; je sanglote, je veux parler, et je ne puis articuler que : « Les bois ! les bois ! » L’abbé Thomas me comprit. Il fit un coup d’œil à mes camarades, qui m’égayèrent ; on me fit jouer aux échecs, que je commençais d’aimer, et ce jeu, que Fayel sut rendre plus attachant encore, me distrayit. C’est une utilité qu’il peut quelquefois avoir, pourvu que les passions ne soient pas trop fortes ; car alors