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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/39

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laient et déchiraient mon âme. Je me serais écrié, si j’avais été seul, et j’aurais été soulagé… Le Prédicateur, laïc Janséniste, me remarqua, et crut qu’il causait mon attendrissement : ma pensée était à cinquante lieues de lui ! mes larmes avaient bien d’autres motifs que ses discours ! Je pleurais, par instinct, mon innocence, le repos de ma vie, à jamais perdus ! Je pleurais les malheurs et les angoisses qui m’attendaient, et qui m’accablent aujourd’hui[1] !… Goûts heureux ! goûts paisibles ! c’est vous que je pleurais !… J’ai bu depuis, dans la coupe empoisonnée des villes, non le sordide intérêt, non la basse escroquerie, non la triste fureur du jeu, non la crapuleuse ivrognerie, ou l’insatiable gourmandise, non l’oisiveté, mère-sœur--

  1. J’écrivais ceci, le 23 Mai 1784, persécuté par Lalande l’astronome, qui avait porté des plaintes contre moi aux Lenoir et aux Miromesnil, parce que je venais d’imprimer, à la fin de la Prévention nationale, les Lettres de Félisette. Il ne put faire sévir ; alors il vint à moi pour obtenir un carton de la lettre Latine : je le fis faire. Le petit Saint-Ange de Sologne était mon délateur auprès de Mlle Saint-Léger. Mon but, en imprimant ces lettres sans signature, et qui ne pouvaient être reconnues que de Félisette, était de la faire rougir seule, et vis à-vis d’elle-même, de sa petite trigauderie, de me louer en face et de me dénigrer en arrière à un ami commun. La lettre Latine qui m’en instruit est de cet ami commun Bultel-Dumont, trésorier de France. Ce fut à l’occasion de cette pauvreté que Lenoir dit au marquis de Marnesia, alors mon ami, lequel le dit à Fontanes, qui le redit à Agnès Lebègue : « Qu’il y avait à Bicêtre des gens qui le méritaient moins que moi… » Vil scélérat, et toi, que méritais-tu ?