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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/60

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secouer la tête. Aubry s’en aperçut ; car dans le second point, il tâcha de s’appuyer des Pères, qui ne valent pas la raison.

Lorsqu’on fut de retour à notre dortoir, on parla du sermon, et l’abbé Thomas en releva quelques endroits ; je m’aperçus que sa mémoire le servait mal. Je dis à Fayel : — « Si l’on veut, je répéterai tout le premier point du sermon. » Fayel le dit à Poquet, qui le dit à l’abbé Thomas. La surprise du maître me parut grande ! mais enfin, il ne crut pas devoir laisser échapper cette occasion, de s’assurer de la force de ma mémoire ; se proposant de voir en même temps, si le jugement l’accompagnait. Il me fit placer au milieu du cercle. Là, je me recueillis un instant ; je fermai les yeux, et me représentant Aubry, ne voyant que lui, la mémoire de sa figure et de ses gestes m’aida tellement à me ressouvenir de ses discours, qu’à quelques synonymes prés, que je substituais souvent, je répétai tout son premier point. On me dit ensuite (car je ne pus le voir, suivant en esprit les mouvements du prédicateur), que mes auditeurs, les yeux fixés sur moi, la bouche entr’ouverte, semblaient se ressouvenir, à mesure que je parlais ; jamais il n’y eut d’exemple d’une pareille attention, ni d’un aussi profond silence.

Après que j’eus fini, le silence continua quelques minutes. L’abbé Thomas me dit enfin : — « C’est bien ! Certes vous avez une excellente mémoire. » Frère Jean-Baptiste, qui avait la liberté de tout dire,