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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/69

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gez-vous, Monsieur, que le texte de l’Évangile y est en entier ?… Allons-nous-en ! vous n’êtes plus de sang-froid. » Et il remit le livre à sa place. Le recteur ne l’écoutait pas ; et secondé dans son emportement par le prêtre Gascon, il voulut emporter les Nouveaux Testaments que nous avions sur nos planches, au dessus de nos places. Notre maître alors éleva la voix : — « Ô mon Dieu ! » s’écria-t-il, « on ôte votre parole à vos enfants ! » Ce cri fut accompagné de tous les nôtres. Je me rappelle qu’exalté par mon petit zéle, je m’approchai du recteur, moi le sauvage Nicolas, et fis ce que le plus hardi de mes camarades n’aurait osé faire, je lui adressai la parole : — « Je tiens de mon père, que j’en croirai mieux que vous, que voilà le Testament de Jésus-Christ notre Père, que je dois lire tous les jours, pour connaître les biens qu’il m’a laissés. — Ton père, » répondit brutalement le recteur, « était un Huguenot. — Il ne manque jamais la messe ! » m’écriai-je en pleurant. C’est que, dans les campagnes, le mot de Hugenot équivaut à celui d’athée. Cependand Bonnefoi tirait le recteur par le bras, en lui disant à l’oreille : « Votre ecclésiastique Gascon vous fait faire une scène. Monsieur le recteur ! Allons nous-en ! allons nous-en ! » Villaret et Désert sortirent ensuite, en levant les yeux au ciel ; le Gascon les suivit, et de la porte, dit à notre maître : — « Tu sauteras, cafard ! tu sauteras. » Bonnefoi l’entendit, et revint sur ses pas : — « Fi ! fi ! » s’écria-t-il, « mon confrère ! Ô Ciel ! est-ce ainsi