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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/79

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ma place d’un pied et demi sur un banc, et environ autant devant moi sur une table ; j’en étais dépossédé ; je n’avais plus rien ; j’avais tout perdu ; j’étais errant, troublé, loin de ma famille, sans moyens pour y retourner… Certainement j’étais un petit persécuté, un petit confesseur, et je n’entends pas qu’on en rie ! car j’étais aussi entêté qu’un martyr. Et puis, dans cet état si vil, si abject, si peu remarqué, n’étais-je pas au-dessus de notre aveugle persécuteur ?

Telle est l’histoire, peut-être intéressante, de mon séjour aux Enfants de chœur de Bicêtre.

M. Beaucousin, pendant mon séjour chez lui, qui fut d’environ quinze jours, me fit voir Paris, c’est-à-dire les églises : ce n’est pas qu’il fût dévot ; mais il tenait à deux beaux-fréres attachés à la Religion, et il était machine. Un trait va prouver combien il méritait cette épithète. Le 8 Décembre, jour de la Conception, il me conduisit aux vêpres de la cathédrale. L’archevêque officiait. M. Beaucousin, extasié, le contemplait avec admiration ; il s’agenouilla, comme tout le monde, pour recevoir sa bénédiction pastorale, quand il passa en pompe, dans la nef. Pour moi, petit presbytérien Janséniste, je regardai Christophe de Beaumont, comme le mauvais pasteur qui maltraite ses ouailles ; je ne vis en lui qu’un futur réprouvé ; dans son cortège pontifical, que le triomphe du Diable : je ne vis dans Christophe que l’ennemi de la grâce, le persécuteur de l’abbé Thomas ; le Satan, qui m’avait séparé de mes jeunes