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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/85

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avant le retour de ma sœur. Je réparai mon désordre ; j’eus des remords et je demandai pardon à Dieu avec larmes…

Le tempérament, affaibli n’importe par quelle cause, ramène au préjugé. J’ai toujours remarqué, dans ces temps d’innocence, que l’effervescence seule me rendait entreprenant : lorsque le désir satisfait avait ramené le calme, j’étais pénétré de componction… Esther reparut dans la journée, mais timidement ; elle fut charmée de me trouver à lire. Six jours après et la veille de mon départ, nous eûmes encore un entretien pareil ; je m’évanouis de même et je pensai que Dieu me punissait. Mais Esther fut beaucoup moins effrayée, elle me fit revenir… On verra, en 1770, les suites de cette aventure.

L’abbé Thomas retournait enfin dans son diocèse, sur l’invitation du curé de Courgis. Son beau-frère lui fit mon éloge. Mais l’abbé désapprouva fort qu’on m’eût fait lire la Cour sainte, quoiqu’il ne connût pas l’aventure d’Emma : ceci mortifia extrêmement M. Beaucousin, qui faisait de ce livre un cas infini. Ma sœur elle-même le trouvait admirable ! mais dès que son frère eut parlé contre, il ne valut plus rien. On ne s’attendrait pas à ce que produisit ce changement d’idées ; le voici : Beaucousin, par respect pour le livre en sept volumes in-8o, ne l’avait pas lu ; mais lorsqu’il n’en fit plus de cas, il le mit à tous les jours, il le lut à tous ses moments de loisir par mépris, et y trouva un plaisir inexpri-