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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/94

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ne se plaisait pas chez mon père ; nous repartîmes le second jour après dîner.

Dés le lendemain de notre retour de Sacy, je commençai d’apprendre mon Rudiment. C’est une pénible étude ! elle décourage, elle rebute. On devrait bien inventer quelque chose d’attrayant, pour aider la jeunesse commençante à dévorer les premières difficultés ! Moi, qui n’ai jamais été rétif à la peine, au travail, je regrettai la liberté, l’inutilité de mes premières années. J’avais confié un jour mes peines au bon chapelain M. Foynat : au lieu de me répondre par de trivials encouragements, il me fit une historiette : « Un commençant, » me dit-il, « étudiait, à Chablis, les principes, sous un chanoine son oncle. Or il arriva qu’un jour, la bonne gouvernante du chanoine voulut exciter la compassion du neveu pour un pauvre charretier chargé de famille, qui supportait le poids du jour et de la chaleur. — Mais, dit l’étudiant, apprend-il le Latin ? — Le Latin ! vous n’y pensez pas ! Un pauvre homme. — Il n’apprend pas le Latin ! Allez lui dire, ma bonne, qu’il vienne prendre ma place, et je prendrai la sienne : j’ai cent fois plus de peine que lui. » Cette petite historiette m’encouragea, par la gloire que je trouvai à surmonter ce qui était véritablement pénible. Mais si les commencements furent difficiles, la suite eut des plaisirs que j’étais heureusement capable de goûter, et une fois bien en train, la plus grande peine qu’on ait pu me faire, a été de m’arrêter.