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Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/91

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•IÈCLB DE KaJU 77

LIVRE III

Avee le règne de Ninntokoo, qui, d’après la tradition, remplirait presque en entier le Vf siècle de notre ère, l’élément légendaire n’a pas encore dispara. Cependant, à certains détails, on reconnaît déjà les progrès d’une civilisation plus raffinée. Témoin ce récit fameux :

Le Céleste souverain, étant monté sur une hante mon* tagne, et contemplant le pays d’alentour, parla, disant : « De tout le pays, aucune fumée ne s’élève : tout le pays est frappé de pauvreté. Donc, je supprime tous les impôts (et corvées) du peuple pour trois ans. » En conséquence, le grand palais se dégrada, et la pluie y entrait de tontes parts ; mais aucune réparation n’était faite. On recueillait dans des baquets la pluie qui filtrait à l’intérieur, et on se retirait aux endroits où il n’y avait point de fissures. Bt plus tard, quand il abaissa ses regards sur le pays, la fumée était partout abondante. Alors, voyant le peuple riche, il rétablit les corvées et les impôts. C’est pourquoi les paysans prospéraient, et ne souffraient pas des corvées. Et pour louer ce règne auguste, on l’appela le règne du Sage Empereur 1 . 1. Cette histoire, qui rappelle, en mieux, notre Henri IV et sa poule au pot, est racontée par le Nihonnghi en belles phrases chinoises, plus recherchées, mais qui n’en répondent pas moins aux sentiments exprimés dans le simple récit du Kojiki. Après la remise totale des impôts, le palais est en ruine, et la clarté des étoiles perce à travers les trous du toit. Mais le souverain se réjouit ; et quand enfin il voit s’élever la fumée du riz qu’on prépare dans les chaumières, il s’écrie : « Nous sommes prospères, maintenant 1 » L’impératrice semble étonnée : ■ Qu’entendez-vous par prospérité 7 » « L’empereur répondit : « Manifestement, c’est quand la fumée rem- • plit la terre, et que le peuple monte librement & la richesse. » L’impératrice continua : « L’enceinte du palais s’écroule, et nous n’a-vous aucun moyen de la réparer ; les bâtiments sont dans un tel • état que nos couvre-pieds mômes sont exposés. Est-ce là ce qu’on « peut appeler prospérité ? » L’empereur dit : « Lorsque le Ciel établit « un prince, c’est pour le bien de son peuple. Le prince doit donc « faire du peuple la base de tout. La pauvreté du peuple n’est autre « que ma pauvreté ; la prospérité du peuple est ma prospérité. Que le « peuple soit prospère et le prince pauvre, c’est une chose qui n’existe « pas. » (Nihonnghi, XI, 10, qui place le fait en L’an 319 de notre ère.) Ces sentiments généreux se retrouvent d’ailleurs chez plus d’un